Pointe-de-l’Église (N.-É.), le 8 janvier 2025 — Un récent ouvrage collectif, codirigé entre autres par les professeurs du Département des études françaises Jimmy Thibeault et Émir Delic, met en évidence les influences bidirectionnelles entre les imaginaires franco-canadiens et les cultures germaniques. Ce livre, Traces des cultures germaniques dans l’imaginaire canadien-français et québécois, fut récemment publié par les Presses de l’Université Laval. L’équipe de codirection inclut aussi le professeur Michel Mallet de l’Université de Moncton et Marie-Lise Auvray, ancienne stagiaire postdoctorale à l’Université Sainte-Anne sous la supervision du professeur Thibeault.
Comme plusieurs projets innovateurs, l’idée de cette œuvre est née grâce à une dose de sérendipité. En marge d’un colloque à Boston, qui n’avait rien à voir avec le thème de ce livre, les professeurs Delic, Mallet et Thibeault discutaient autour d’un café de divers arts et littératures de la francophonie canadienne. Au cours de cette discussion, il est apparu que les influences des cultures germaniques étaient plus prégnantes dans ce vaste corpus qu’on aurait pu le penser. Les trois professeurs résolurent d’organiser un colloque, qui s’est tenu pendant la pandémie de COVID-19 ; depuis, les contributions des intervenantes et intervenant ont été développées davantage, et d’autres textes s’y sont ajoutés, afin d’aboutir à cet ouvrage de couverture étendue.
Dans une introduction signée par les codirecteurs et la codirectrice, on contraste les influences des cultures germaniques aux pôles de références prédominants des cultures franco-canadiennes, nommément les influences « américaines », au sens large, et celles de sa filiation à la France. On remarque la curiosité particulière présente dans les arts franco-canadiens au sujet de la position alterne germanique. Comme dans un miroir, les intellectuels franco-canadien et québécois se reconnaissent dans une Allemagne qui cherche à se définir. La similitude des circonstances et des questionnements offre des lignes de mire : « Peut-être était-il alors possible de trouver dans les discours allemands une manière d’extirper le discours identitaire canadien-français et québécois de son enlisement collectif, tributaire de l’éternelle nécessité de se définir dans sa francité et dans son américanité. », lit-on dans l’introduction.
En plus d’une introduction, l’ouvrage collectif est composé de 12 chapitres répartis en 5 sections ; les sections découpent le livre par moments historiques. La première, « Influence de la pensée allemande », examine la manière dont le projet d’édification national allemand, mobilisé par les arts, inspire certains intellectuels du Canada français. On souligne, toutefois, que les meneurs du projet allemand furent inspirés eux-mêmes par les modèles français et britanniques. En outre, on nuance les influences de l’Allemagne chez certains intellectuels notables.
L’équipe de direction de l’ouvrage met en relief le caractère paradoxal qui se manifeste en Allemagne, particulièrement à partir des années 1930, et que l’on retrouve dans la littérature et la polémique franco-canadienne à l’époque. Le paradoxe d’une Allemagne qu’on aime et qu’on déteste est considéré davantage dans la section « Confronter l’Allemagne nazie ». L’Allemagne sert à nouveau de miroir. Cette fois, sa réflexion nous révèle la fragilité de la condition humaine tout en dévoilant le rapport difficile qu’ont les francophones du Canada à la différence identitaire. La section inclut une contribution par Marie-Lise Auvray qui aborde un roman autofictif de Marguerite Anderson. Dans son étude, Auvray met en relief la manière dont le vécu en Allemagne nazie dépeint dans le roman est doté de « contres-espaces » comme lieux de découverte identitaire.
Dans la section « Vivre la chute du mur de Berlin », on retourne sur l’évènement à la fois réel et représentatif qui remet les territoires allemands à l’épicentre de l’imaginaire. On examine un film et l’art qui traite la désillusion qui suit l’effervescence de la tombée du mur par rapport à une prétendue victoire de l’Ouest. Dans cette section figure le chapitre signé par le professeur Jimmy Thibeault, où il propose une relecture de la chute du mur de Berlin à la lumière des attentats du 11 septembre 2001.
Cette contribution du professeur Thibeault fait partie d’un projet de recherche en cours financé par le Conseil de recherche en sciences humaines (2021-2026), projet qu’il mène en tant que chercheur principal avec les professeures Chantal White (Université Sainte-Anne) et Stéphanie Chouinard (Collège militaire royal du Canada).
La quatrième section, « Traces culturelles du monde germanophone », traite les influences germaniques dans les discours artistiques contemporains du Canada français et du Québec. On se penche sur les travaux du romancier, critique littéraire et professeur Jean Éthier-Blais, sur la réception au Québec des auteurs autrichiens Thomas Bernhard et Peter Handke, et sur l’œuvre cinématographique de Robert Morin.
L’ouvrage se termine par la section intitulée « Traces du Canada francophone en Allemagne » et composée d’un témoignage personnel livré par Ingo Kolboom, professeur émérite à la Technische Universität Dresden. Son chapitre à caractère autobiographique se tisse à travers ses travaux en Allemagne, au Québec, en Acadie et en France, ressortant les influences de ces milieux imaginaires et réels qui ont façonné ses contributions variées en histoire, en politique et en littérature.
Plus d’information sur le livre
Le livre Traces des cultures germaniques dans l’imaginaire canadien-français et québécois figure dans la collection « Culture française d’Amérique » des Presses de l’Université Laval, publiée sous l’égide de la Chaire pour le développement de la recherche sur la culture d’expression française en Amérique du Nord (CEFAN).
Le livre est disponible au Magasin campus de l’Université Sainte-Anne.
Cet ouvrage collectif est composé de contributions par :
Pierre Anctil (Université d’Ottawa)
Marie-Lise Auvray (Université Sainte-Anne)
François-Emmanuël Boucher (Collège militaire royal du Canada)
Sophie Boyer (Université Bishop’s)
Émir Delic (Université Sainte-Anne)
Hélène Destrempes (Université de Moncton)
Louise-Hélène Filion (University of Michigan)
Ingo Kolboom (Technische Universität Dresden)
Marilyne Lamer (Université du Québec à Montréal)
Hans-Jürgen Lüsebrink (Universität des Saarlandes)
Michel Mallet (Université de Moncton)
Jimmy Thibeault (Université Sainte-Anne)
Béatrice Vernier (Lakehead University)
L'ouvrage a bénéficié d’un appui financier de la Chaire de recherche du Canada en études acadiennes et francophones.
À propos de l’Université Sainte-Anne
L’Université Sainte-Anne, la seule université francophone en Nouvelle-Écosse, offre des programmes d’études universitaires et collégiales ainsi que des programmes d’immersion et de formation sur mesure en français langue seconde. Reconnue pour l’excellence de ses programmes et son milieu de vie unique et exceptionnel, elle offre des occasions d’apprentissage expérientiel favorisant l’engagement et la réussite des étudiantes et étudiants et un contexte favorable à l’établissement d’une culture d’excellence en recherche et en développement. Résolument ancrée dans son milieu, elle est un partenaire de choix pour accroître la vitalité des régions entourant ses campus et de l’Acadie de la Nouvelle-Écosse dans son ensemble.
Pour plus d’information
Gilles Saulnier, Agent de communications et de recherche
Université Sainte-Anne
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